Ce qu’aime le gros Fritz

Oui, j’aime à promener ma belle âme allemande
À travers l’Esthétique et les brouillards d’Hegel;
Un nuage en bouteille est tout ce que demande
L’âme éprise de vague et d’immatériel.

La nuit, quand s’ouvre en moi la fleur des rêveries,
de ma blonde Gretchen, oh! j’aime bien encor
À contempler les yeux de pervenches fleuries,
Oh! j’aime à caresser les belles tresses d’or.

J’aime à charmer aussi mon ouie allemande
Quand l’orgue de Cologne, aux gothiques accents,
Èveille dans mon coeur quelque viélle légende
Où passent des Willis dans des rayons flottants.

Mais surtout, au tic-tac des pendules de France,
Le soir, j’aime, repu de choucroute au gratin,
Voir, en fumant ma pipe à fourneau de faience,
Mousser la bière ambrée aux bords des brocs d’étain.

(Quelle: Jules Laforgue, „Les Compleintes et les premiers poèmes“, l’imprimérie Bussière à Saint-Armand (Cher), 1993, ISBN 2-07-032181-9, imprimé en France).